Venez partager avec nous notre quotidien…
Le Sessad ce n’est pas un lieu on nous venons juste travailler, nous accompagnons des enfants et nous sommes en relation avec leurs parents, et beaucoup de personnes qui gravitent autour de chaque enfant.
« Les métiers de l’humain », c’est comme cela que l’on parle de notre travail. Et ces métiers, c’est du partage, de la vie ! L’Apajh, c’est « l’accessibilité à tout pour tous » et c’est aussi du cousu main …. il n’a pas fallu nous le dire deux fois ! Ces valeurs nous les portons au quotidien car nous croyons profondément à une société où chacun à sa place.
Nous partageons avec vous aujourd’hui notre quotidien de professionnels investis auprès d’enfants avec leurs singularités .
La première partie d’une petite saga …..
Nous sommes avec Noëlle D’Adamo, psychologue à l’UEM de Villefranche et au Sessad pôle Généraliste et créatrice qui a cousu de ces mains des personnages de dessins animés pour les enfants ….
Quand jouer se tisse avec nos aiguilles…
(Premier volet sur 3)
A l’UEMa, certains des enfants que nous accueillons ont pour intérêts (restreints) des personnages de dessins animés : Michka et Masha, Simon, Cocomelon…
Or, en tant que psychologue, un de mes objectifs consiste à permettre le développement chez les enfants de leur imagination et ainsi leur capacité à anticiper leur journée, à améliorer leur possibilité d’exprimer ce qui se passe à l’intérieur d’eux-mêmes, à développer leur capacité à se mettre à la place de l’autre[1].
En effet, là où les enfants ordinaires développent ces compétences de manière naturelle par imprégnation (comme Obélix quand il tombe dans la marmite), les enfants porteurs de TSA ont besoin d’aide pour déployer ces compétences en eux.
Et quoi de mieux que le jeu symbolique pour prendre plaisir à « travailler » ces compétences ?
Mais là encore, un hic : le jeu symbolique[2] chez les enfants TSA, ce n’est pas ça[3]… Ils préfèrent très souvent, et de loin, les jeux de construction, de cause à effet : les jeux prévisibles, qu’on peut anticiper. Ceux qui répondent à des règles claires et fiables, ce que ne sont pas les jeux symboliques… Faire semblant, faire comme un autre, ne leur parle souvent pas. Et intégrer les autres, si changeant, dans leur monde, ne va pas de soi. Pourtant, le jeu permet de s’entrainer aux relations sociales, de rejouer des situations qui ont été éprouvantes, de partager des moments de plaisir avec les pairs…
Alors, pour motiver les enfants en leur permettant d’être en terrain connu, quoi de mieux que de partir des intérêts qu’ils portent à certains personnages de dessins animés ? Ici, non seulement le scénario de départ est possiblement connu par l’enfant, mais en plus, ce personnage, inaccessible en dehors des écrans, se retrouve dans leur main ! Quel bonheur !
Oui, mais, ces personnages n’existent pas « en dur », ou alors dans des matériaux fragiles. Qu’à cela ne tienne ! A vos aiguilles ! Et c’est ainsi que sont nés Simon, Cocomelon et que bien d’autres sont en gestation J
Ainsi, cet enfant utilisera Simon pour commencer à jouer et petit à petit se mettre à prêter des sentiments aux autres. Malgré son langage stéréotypé, ce n’est pas n’importe quel jour qu’il évoquera le départ en vacances ou les disputes entre enfants. Cet autre enfant utilisera Cocomelon pour accepter de se rendre au Centre de loisirs, et nous pourrons reprendre ensemble ce moment si particulier de sa vie de petit garçon en jouant. C’est ainsi que la figurine deviendra un objet sur lequel projeter ses souvenirs, ses émotions, bref, sa vie intérieure. Celui-là dira « bravo » à Simon qui « fait pipi » alors que ses mots ne sortent qu’au compte-goutte encore. Car c’est bien connu, on parle quand on joue !
Construire, inventer, créer, sont ce que les enfants nous invitent à faire pour aller « les chercher » et partager avec eux des émotions. Merci les enfants !
Mais à l’école, on préfère les livres aux dessins animés. Comment utiliser ces derniers pour jouer non seulement avec les enfants, mais aussi pour leur permettre de jouer ensemble ? C’est ce que je vous raconterai dans le second volet de cet article avec la lecture d’album en regroupement et son petit théâtre et l’atelier lecture et ses raconte-tapis !
Noëlle D’ADAMO
[1] « Les travaux sur le jeu symbolique individuel et collectif des enfants ordinaires ont mis en évidence sa contribution dans le développement des représentations mentales, des conduites sociales, imitatives et langagières. L’attention s’est aussi focalisée sur la relation entre le jeu symbolique et le langage (Bates, Bretherton et Snyder, 1988 ; Verba, 1990 ; Giffin, 1984). » Vieillevoye, Sandrine, et Nathalie Nader-Grosbois. « Étude des stratégies autorégulatrices d’enfants à retard mental en situation de jeu symbolique individuel et collectif », Benoît Schneider éd., Enfant en développement, famille et handicaps. Érès, 2006, pp. 205-211.
[2] « Jeux de faire semblant ou jeux symboliques : activités exécutées pour le plaisir qui consistent à exercer de manière représentative des conduites en dehors de leur contexte habituel (v.g., faire semblant de dormir) ou à appliquer des actions connues à des objets nouveaux (v.g., déplacer un cube de bois comme si c’était un camion). » Nader-Grosbois, Nathalie. « Glossaire », Nathalie Nader-Grosbois éd., La théorie de l’esprit. Entre cognition, émotion et adaptation sociale. De Boeck Supérieur, 2011, pp. 397-401.
[3] « Plusieurs travaux récents montrent la difficulté de ces enfants à s’adapter aux situations quotidiennes (sociales ou non-sociales). En effet, l’enfant autiste établit difficilement un échange avec autrui et peut éprouver des difficultés à utiliser conventionnellement et régulièrement les objets. Ces difficultés générales de l’enfant autiste pourraient provenir d’un trouble basal de la capacité à organiser et à régler ses actions en fonction des variations environnementales: il s’agit d’un trouble de la régulation de l’activité (Adrien, 1994, 1996; Adrien, Blanc, Roux, Boiron, Bonnet-Brilhault, Barthélémy, 2001b). Ce trouble, défini par les difficultés à produire spontanément des actions connues et adaptées, à les maintenir durablement et à les interrompre en temps voulu affecterait l’aptitude générale de représentation mentale, aptitude à la base de la communication et du jeu symbolique chez l’enfant. » Blanc, Romuald, et al. « Chapitre 9 Les troubles du jeu symbolique et du développement de la communication chez les enfants autistes: à propos de la dysrégulation de l’activité », Nathalie Nader-Grosbois éd., Régulation, autorégulation, dysrégulation. Pistes pour l’intervention et la recherche. Mardaga, 2007, pp. 161-171.